CLAUDE RIBOT : L'OEUVRE D'UNE VIE

L'œuvre de Claude RIBOT (1934-2010) est le fruit d'un travail et d'une recherche ininterrompus depuis près de quarante ans.

Formé aux techniques traditionnelles tout en étant curieux de matériaux variés et de formes nouvelles, Claude RIBOT a bâti une oeuvre puissante, dans sa diversité, dans sa liberté. 

Par le dessin et la sculpture, son oeuvre a évolué aisément au service d'une inventivité de tous les instants. L'esprit lyrique de ses compositions, sa conception originale des volumes dans l'espace le situent dans la filiation de Henry Moore, Ossip Zadkine, Jacques Lipchitz, Yves Ipoustéguy.

 

 

De 1948 à 1953, il étudie le dessin et la sculpture à l'Ecole des Beaux-arts du Mans puis obtient son Diplôme National de la sculpture.

 

Ce sont les années d'enfance vécues à la campagne qui vont construire le monde intérieur de l'artiste à venir. Imprégné du sentiment de la terre, de la sève des arbres, de l'âpreté de la vie rurale, il observe, dessine, modèle, éprouve physiquement la réalité du monde qui l'entoure. La puissance de ses figures animalières exécutées en ronde bosse vient de sa terre natale ; elle fait de lui un modeleur. Le bestiaire constitue les premières sculptures majeures de sa carrière.

 

Etude pour la Fontaine "Sirènes", Le Mans

Sa recherche passe aussi par la déstructuration. EIle s'éloigne de la tradition et retient le principe de "constructions". La confrontation des matières et des formes soumises à l'esprit de géométrie produit ainsi des compositions à partir de découpes et d'emboîtements.

Claude Ribot ne tardera pas à explorer la statuaire monumentale. Il expérimente le bois et, par la taille directe dans le tilleul, exécute à nouveau des emboîtements, mais de pièces mobiles cette fois. La figure humaine et plus particulièrement l'inspiration féminine devient son thème de prédilection. La Femme dans la valise, Femme aux seins de cuivre, Déesse du rêve, La Sentinelle constituent des pièces majeures.

 

Le dessin est à l'origine du processus créatif du sculpteur. En cela aussi Claude Ribot est classique. Il se distingue très vite en réalisant de 1958 à 1963 des dessins satiriques. Ses compositions d'humour noir paraissent dans les revues Arts, Lettres Françaises, Positif. Attaché à poursuivre ses recherches plastiques en volume, il renonce à entreprendre une carrière dans la presse.

 

Parmi ses expérimentations en relief, Claude Ribot explore le linoléum à qui il donne un souffle nouveau avec la linogravure. Ce sera une étape courte mais féconde offrant des compositions sensuelles aux tons bruns et chauds.

 

A la fin des années 70, l'architecture des établissements scolaires sarthois est propice au travail du sculpteur. Attaché à hisser sa création au centre de la vie et à l'intégrer dans l'espace public, il participe à de nombreuses décorations dans le cadre du 1% artistique.

 

Ribot n'abandonne pas le dessin. Bien au contraire, cette activité graphique lui est quotidienne. Réalisées à la mine de plomb, ses séries forment un livre ininterrompu. A l'instar de la sculpture, le dessin constitue l'œuvre de sa vie. Fin observateur de la société, l'artiste déploie un univers dont le lyrisme est celui d'un imaginaire empli de courbes, d'ellipses. On y perçoit une transposition subtile du réel, de ses obsessions intimes ou de ses engagements politiques et philosophiques. Son expression est singulière, emprunte de joie et de gravité. Elle se rattache à une figuration libre, poétique et se laisse déchiffrer.

 

Puis Claude Ribot revient définitivement à la terre et au modelage. Ses sculptures sont « cuirassées » de boulettes d'argile. Ce traitement de surface leur procure leur force pleine, adoucie de calmes résonances. Figures longilignes ou monumentales, lascives ou érigées, ornées d'attributs simples, couteau, coquetier…, de symboles universels, croix, cercle, carré… ses sculptures expérimentent la dialectique du plein et du vide. Elles tendent le fil invisible qui relie le corps statique et le mystère de l'impalpable.

Dans les années 90, naissent les Sirènes, Léda et les monumentales Danseuses. Ces trois fontaines de bronze commanditées par la Ville du Mans jouent quant à elles avec le jaillissement et l’écoulement de l’eau. Dressées dans l'espace public, ruisselantes et déstabilisées par le flux, elles renvoient aux mythes et à la vie.

 

En parallèle, Claude Ribot exécute des bas-reliefs de petits formats en plâtre, porcelaine, bronze et coton. Ici, la création débute par un travail en creux. Des tailles larges et claires pour des compositions aux accents poétiques sont soutenus par les effets d'une lumière rasante : Fée électricité, Le Prisonnier politique, Stèle en hommage à une chatte morte par vivisection.

 

Dans l’œuvre de Claude Ribot, on croise l'humour et la violence, on se heurte au baroque et au tragique, on rencontre des créatures hybrides, des êtres composites. Ces derniers trahissent la vaste place occupée par le fantasme dans l'univers du sculpteur. Le monde contemporain est là bien sûr, l'artiste s'y confronte ; mais on sent bien qu'il lui préfère les fausses perspectives, les reflets célestes, les lignes courbes. Les hommes de Claude Ribot sont des êtres qui, au corps à corps dans la lutte ou la séduction, déploient infatigables leur énergie et partagent leur souffle.

 

Au-delà des formes, de la composition, la singularité de son art tient aussi à la pensée que l'artiste a défendue lors de son existence : créer en vertu d'une nécessité et d'une sensibilité intérieures, s'exprimer parfois à contre courant mais sans concession aucune,  affrontant la vie de sorte qu'elle ait le plus de valeur possible.